Gepetto
Depuis trois ans, j'ai l'impression de vivre une vie parallèle. Ou plutôt, de voir ma vie passer et de pouvoir la regarder défiler. Comme si j'avais quitté mon corps, qui pourtant est bien là. Je donne des directives à ce corps qui évolue dans ce monde, mange, sort, bouge .. vit ! Et je regarde tout ça se faire depuis l'extérieur, tout comme si assise dans un fauteuil, je voyais ma vie se dérouler sur un écran géant ; alors que moi je ne suis que la spectatrice paralysée de cette vie, qui tient la télécommande.
Il y a la Sandrine qui continue à évoluer dans un monde actif, et la Sandrine qui regarde tout ça. Le première n'est que la marionnette de la seconde ; qui elle, est la Gepetto de la première.
Je ne voulais pas fêter mes 50 ans, je ne voulais plus fêter aucun Noël, aucun 1er Janvier. Je ne voulais plus sortir, je ne voulais même plus respirer … je ne voulais plus vivre, tout simplement. Et je me suis obligée, je me m'oblige encore. Je me suis forcée, je me force encore chaque jour. Comme le ventriloque active son instrument de bois, et de chiffon, qui prend vie le temps d'une prestation.
Pour le moment, ça fonctionne ainsi ; mais pour combien de temps encore ? Après la disparition de Bé, je me suis accrochée à ceux que j'aime, à mon boulot ; comme on s'accroche au rocher lorsqu'on a glissé. Je ne tiens que par le bout des doigts à ce rocher. Malgré ces trois années passées, je n'avais pas laché mon rocher ; mais certains au travail, s'appliquent à piétiner mes phalanges ...
« Il y a des jours avec et des jours sans »... c'est une expression que tout le monde emploie.
« J'ai connu des jours meilleurs »... ça aussi, c'est souvent utilisé.
Je connais de très jolis jours ; et j'ai aussi des jours « avec ». Mais les jours sans, sont tellement plus fréquents ; et il n'y aura plus jamais de jours meilleurs.
Gepetto fatigue .. et plus jamais la marionnette ne reprendra vie !