Photographie

La mort est la finalité de la vie. Depuis toujours, et pour encore longtemps.

Alors que la photographie n'existait même pas, les tableaux restituaient les moments de vie ;  et les gisants, le passage à la mort, des riches et des puissants.

La photographie a permis de mettre  la vie et la mort, des plus humbles,  au même niveau que celle des plus riches. C'en est suivit  un rituel.  Celui de photographier ses morts. 

Une  photographie  était quelque chose de rare et de précieux. De solennel et de symbolique même. Une première fois, bébé, tout nu et surtout tout joufflu,  sur la peau de bête, chez le photographe ... plus tard, ce même bébé, plus grand et  endimanché, pour la communion ... et puis, la famille s'offrait (en général une seule fois) une photo de  "papa-maman-les enfants" qui trônait jusqu'à la mort, sur le mur de la chambre. Les grandes occasions, les mariages, les communions, et pour finir, les morts. Car il était coutume de photographier les morts. Et chaque famille avait aussi son album de morts. Rien de choquant, rien de malsain. Le souvenir physique  des personnes était gardé ainsi. Et on se passait cet album familial, comme un précieux héritage. 

La mort n'était pas "clach" ; elle était, et c'est tout. Elle faisait partie du processus de la vie.

Aujourd'hui, la mort est tout autant mise en photo. Clach et malsaine. Pire nauséabonde même. Les infos puent le mort à plein nez ! Les morts violentes, douloureuses et "bancables". Parce que la mort est bancable !!! Elle doit émouvoir, elle n'est d'ailleurs exposée que pour ça ! 

Depuis longtemps, des morts à la pelle, pour ces pauvres malheureux qui cherchent à fuir le conflit de leur pays. Après la morts dans des wagons durant la dernière guerre,  nous avons aujourd'hui, la  morts dans des containers,  dans des bateaux qui coulent ...

Le sacrifice de peuples qui espèrent tant pouvoir atteindre un monde meilleur que celui dans lequel ils souffrent. Ce n'est pas nouveau ... mais il est important  de montrer en photo ;  cette triste réalité. Ce que je comprends. Photos de boats-peoples, de situations d'exode. Mais il est est où le besoin de montrer un cadavre d'enfant ? 

Elle a rapporté combien à son auteur ? 

Là où ça me dérange réellement, c'est que la triste réalité est partout, tout le temps.  Et que chez nous .. ici ... là où tant de personnes y voient une terre d'accueil et d'exil ; certains  y crèvent  aussi de misère .. chaque hiver.  Ils n'ont pas fui la guerre, ils n'ont pas fui le conflit ... ils n'ont tout simplement pas ce qu'il faut ici, dans ce pays tellement riche ... et tellement bien propre sur lui .... 

Attendons l'hiver prochain pour des photos bien poignantes de ces gens qui meurent ici .. pour l'heure,  la photo d'un gosse noyé occupe toutes les médias.