La vocation
Les événements de la vie nous portent à prendre des décisions. A voir les choses selon le moment. Sans le recul nécessaire qui devrait pourtant être la base de nos réflexions avant même de décider quoi que ce soit. En même temps, est-ce qu'on dirait « prendre du recul » si c'était immédiat ?
Avec le recul, je vois certaines choses sous un angle différent. Et au final, je me dis que je me suis bien prise la tête toute seule. Que j'aurais plutôt dû laisser certaines choses se faire.
Quand Bérénice a disparu, je n'aurais pas dû lutter pour continuer ma vie de la même façon. M'accrocher à mon travail comme à une bouée de secours. J'aurais dû arrêter bien plus tôt. Les choses auraient été différentes.
En même temps, même si mon métier de soignante me manque, si le fait de mettre continuellement en avant une qualité de soins et de relation avec la personne dont on s'occupe me manque, les conditions de travail des soignants aujourd'hui sont tellement rabaissées et ingrates que je suis contente de ne plus devoir travailler avec un manque évident de qualité de soins. On trouve normal que les soignants n'aient plus de temps pour rien, et en même temps on exige tout de même qu'ils fassent le maximum afin que ça ne se voit pas auprès des familles.
Sans vouloir faire croire au monde de Charlotte aux fraises, lorsque j'ai débuté en 1982, nous étions loin, très loin, des problèmes que le personnel soignant rencontre maintenant.
De toute façon, je ne pouvais plus exercer ce métier en raison de mes problèmes de genoux.
J'ai donc vu mon reclassement professionnel comme quelque chose dont j'avais besoin pour pouvoir continuer à aller bien. Parce que je viens aussi d'un fonctionnement où l'activité professionnelle est un tout pour l'équilibre mental. Je suis tout le temps surprise de ces personnes qui n'aspirent qu'à gagner de l'argent sans travailler.
Même si maintenant je vois arriver la retraite à grands pas, il me reste encore 7 ans, quasiment, à faire. Et c'est là que je voudrais avoir le recul nécessaire.
Je suis dans la réduction des déchets.
En analysant correctement la situation, j'aime les actions que j'y mène. Le compostage est chez moi une certitude depuis longtemps.
Le broyage et le paillage des déchets verts sont une notion que j'ai acquis depuis que je suis sur ce type d'activité. Et dont j'apprécie de m'occuper.
Mais au final, ce n'est pas non plus une vocation. Et je n'arrive pas à avoir ce déclic ni ce fonctionnement, comme certains de mes collègues.
Lorsque j'étais aide-soignante, nous voyions des personnes venir dans ce métier « comme ça » ; sans réellement de conviction à ce qu'elles faisaient. Pire, nous en avons vu passer, qui carrément, n'aimaient pas les personnes âgées. Ce qui nous paraissait incompréhensible, à nous qui avions une véritable vocation d'aide à la personne. Et qui aimions plus que tout nos anciens.
Là, je me retrouve dans la même situation. Je ne suis pas tombée dans le chaudron de la prévention des déchets ! Et même si j'apprécie certaines actions, certaines autres me semblent totalement incongrues. Quand je vois que sur le plan national, le gouvernement n'est même pas dans la bataille ; parce que c'est une vraie bataille que de faire réduire les déchets !
Les magazines sont toujours emballés de sachets plastiques ! Le compostage n'est pas systématique ni même obligatoire pour les structures publiques. Chaque établissement, écoles, maison de retraite, hôpitaux, cliniques, devraient avoir l'obligation au moins de composter ! Même pas ! Donc nous préchons auprès des particuliers ce que l'état ne fait même pas auprès des établissements !
Alors, à la différence d'avant ; c'est que je n'en fais pas un cheval de bataille. Je n'arrive pas à accrocher.
J'ai œuvré pendant des années pour que la nuit, nous puissions prodiguer des soins de qualité aux personnes. Alors que le personnel de nuit est plus souvent relégué aux ménage des locaux, et à l'entretien du linge, avec le moins de temps possible pour le confort aux résidents. Nous avons réussi à faire entendre ça. Mais ça n'a pas été sans mal ni sans heurts.
Maintenant, je suis dans une activité ou il devrait être logique que chaque établissement scolaire, chaque maison de retraite ou foyers logements, soient équipés d'un composteur. Il devrait y avoir des décrets pour ça.
Ha mais il y en a .... le décret 2015-662 du 10 Juin 2015
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2015/6/10/DEVP1427461D/jo
Nous en sommes loin. Et là encore, des incompréhensions qui ne s'expliquent pas. Je m'y suis mise à fond, mais le déclic ne peut pas se produire. Lorsqu'on arrive à te dégoûter de choses, rien ne peut se produire.
La faute à qui ? Il n'y a rien de plus facile que de dire que c'est à faute à quelqu'un d'autre. L'univers professionnel est fait de personnes dont tout peut être de leur faute. Mais justement j'arrive à prendre du recul sur certaines situations.
Mon travail n'est absolument pas une bouée de sauvetage. Et que j'ai dépassé ce stade de croire en quelque chose.
Dans tout univers professionnel, certaines personnes essayent de mettre des bâtons dans les roues, et s'appliquent à vouloir te dégoûter de ton boulot. Mais lorsque tu es vraiment motivée, tu arrives à passer outre. Lorsque tu es démotivé, tu passes justement à d'autres choses dans la vie qui te motivent vraiment. Et le travail n'en fait plus partie.
Toute ma vie je resterai soignante. Avec l'état d'esprit nécessaire. Même si je ne pratique plus dans ce domaine professionnel.
La réduction des déchets, oui, ça m'intéresse … mais ma vie n'y est pas attachée.
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