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22 mai 2023

TUH : Anne Grandjean

TUH

L'histoire nous dévoile qu'un grand nombre de procès se sont déroulés en France, pour la reconnaissance du sexe d'un des époux ; motivant ainsi l'annulation d'un mariage. À des époques où le divorce n'existait pas ; et seule la dissolution du mariage, pouvait mettre fin à une union.

Un procès religieux, avait donc lieu, après une enquête médicale ; avec uniquement deux propositions pour la personne incriminée :
S'il s'agissait d'un homme, qui avait pris l'identité d'une femme ; il était condamné à se voir trancher le sexe ; ou à accepter l'annulation du mariage. Il était alors banni, et ne pouvait plus jamais se marier ; ni en tant qu'homme, ni en tant que femme.
S'il s'agissait d'une femme qui vivait comme un homme ; elle était tout simplement bannie et ne pouvait non plus contracter, par la suite, un mariage ; même si elle reprenait une vie de femme.

Le cas le plus ancien remonte à Charles IX (1560-1574). Vers 1565, un gentilhomme saisit le juge ecclésiastique de son pays d’Anjou pour obtenir que son mariage soit déclaré « solust et nul ». Il proteste en effet du « membre viril » que sa femme possède à la place du clitoris, et dont l’érectilité soutenue empêche une « décente habitation et copulation avec elle ». c'est entre 1808 et 19O3, que les annales fonts état de 23 procès ont eu lieu, afin de déterminer s'il y avait tromperie sur le sexe d'un des conjoints.

C'est sous Louis XV (1715-1774) qu'un cas deviendra célèbre : celui du chevalier Charles-Geneviève d'Éon.

Mais un autre procès fera beaucoup parler : celui d'Anne Grandjean.

En 1732, naît Anne Grandjean, à Grenoble. À l'âge de 14 ans, la petite fille doute de son apparence physique, et de son sexe. Non seulement, elle n'avait pas de sein et beaucoup de gens la confondaient avec un garçon, de par sa morphologie masculine ; mais elle n'était attirée que par les filles de son âge.

Très proche de son père, Anne se confie à lui sur ses questionnements liés à son apparence physique. Après consultation auprès de son confesseur religieux, il est décidé qu'Anne porterait l'habit d'homme, et se ferait appeler Jean-Baptiste. Le prêtre confesseur, édicte alors la réalité de cette décision, qui est actée. Si bien que toute la ville de Grenoble (20 000 habitants à l'époque) accepte ce changement.

En 1761, Jean-Baptiste épouse Françoise Lambert, qui s'accommode fort bien de la situation. Le couple déménage à Lyon.
Mais en 1764, une ancienne maîtresse de Jean-Baptiste, éconduite, le rencontre ; et déclenche alors une rumeur publique, sur l'hermaphrodisme du jeune homme. La rumeur vient aux oreilles du substitut du procureur général, représentant l’autorité royale, qui lance une procédure. Françoise se retrouve alors en pleine tourmente, et en humiliation publique ; et n'osera pas contredire le procès d'annulation du mariage.

carcan

Jean-Baptiste est condamné au carcan (porter pendant trois jours en tenant une bougie de cire chaude qui doit lui couler sur les mains) ; à être ensuite fouetté nu sur la place du marché ; à être marqué au fer rouge, d'une fleur de lys sur l'épaule (pour montrer à tous une condamnation de la royauté) et est aussi condamné au bannissement, en qualité de profanateur du sacrement de mariage.

L’avocat de Grandjean, Maître Vermeil, réussit à faire valoir que l'église elle-même, avait reconnu l'existence de Jean-Baptiste, effaçant ainsi celle d'Anne ; et qu'elle n'a pas «éprouvé ses temps périodiques qui indiquent qu’une jeune fille devient propre à la fécondité » (selon l'expression de l'époque). Affirmation, corroborée par un médecin.

Il réussit donc à faire casser le jugement par la Cour supérieure du Parlement de Paris ; qui, le 10 janvier 1765, annule les condamnations infamantes du détenu rendu à la liberté ; mais déclare le mariage « nul et abusif », impose à Grandjean de reprendre son habit de femme, lui interdit de revoir Françoise Lambert et de contracter un nouveau mariage avec une femme.

Si l'affaire a fait grand bruit ;  une fois le procès terminé, Anne Grandjean, disparait de la ciruculation. Et nous ne saurons pas ce qu'elle est devenue. 

 

Sources : Mathieu Laflamme, Le genre au tribunal : l’hermaphrodisme devant la justice de la France d’Ancien Régime, Thèse de maitrise en histoire, Université d’Ottawa, 2016. 

« Un individu d’un genre mal défini ». L’hermaphrodisme dans les procès en nullité de mariage (France, XIXe siècle) [1] | Cairn.info

C. Champeaux, Réflexions sur les hermaphrodites, relativement à Anne Grandjean qualifiée telle dans un Mémoire de Me Vermeil, avocat au Parlement. Chez Claude Jacquenod fils, Lyon, 1765.

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