le monde du silence
Si je n’avais pas de prothèses, je ne pourrais pas exercer mon métier.
Donc, je ne peux rester sans aide auditive.
Le terme utilisé est « malentendant » ; je suis donc « malentendante » parce que ma surdité a été évolutive. Parce que je ne suis pas née ainsi. Je parle donc normalement et j’entendais normalement « avant ».
Avant quoi ? Je ne me rappelle même plus. C’est venu ainsi, doucement.
Je savais que ça allait finir comme ça. Maman est sourde, Pépé l’était aussi, et ainsi de suite si on remonte plus loin. Il y a un facteur héréditaire indéniable, mais qui n’atteint pas tout le monde dans une même famille.
Géraldine, ma sœur entend très bien.
Et malheureusement, j’ai aussi donné ce handicap à Clotaire et Raphaël. Clo est aussi appareillé, et Raphy lui, fait dans la résistance (comme je l’ai fait pendant des années !)
Sans prothèse, c’est le silence. Je n’entends pas mon portable sonner, ni la sonnette. Si ça sonne et que Boris, en bon chien de garde, aboie ; ses jappements parviendront à mon oreille, comme un murmure. C’est tout dire, lorsqu’on imagine la grosse voix d’un labrador en pleine maturité !
Si je sors dans la rue, je distingue à peine le bruit de la circulation, même si je me balade le long du périphérique !
Alors, très souvent, je laisse mes prothèses dans leur boîte et je reste dans ce silence que j’aime tant.
J’aime le silence et la tranquillité qu’il me procure. Au lieu de me stresser, ça m’apaise.
Je pense que j’aime le silence, parce que je peux en sortir à n’importe quel moment.
Et une fois appareillée, j’entends vraiment très bien !
Le monde du silence me convient parfaitement, et de plus en plus souvent je reste dedans.
Un jour, lorsque je serais à la retraite, je pense que je ne renouvellerais pas mes prothèses et resterais ainsi dans ma bulle en quelque sorte.
Ne plus entendre les bêtises, ne plus entendre de bruits agressifs. Rester définitivement, dans un univers de calme et de repos.