Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les BlaBlas de Dame Papote
Visiteurs
Depuis la création 544 626
Publicité
Les BlaBlas de Dame Papote
Newsletter
12 abonnés
Archives
21 mars 2011

Ma nana du bout du monde

 

J'ai toujours su que j'adopterais des enfants. Je l'ai toujours senti.

Je ne pensais même pas en faire moi-même.

Comme, avec Juju, nous nous connaissions bien des années avant notre mariage, il savait mon point de vue sur la question, qui se résumait à : Pourquoi faire soi-même des enfants alors qu'il y en a tellement qui n'ont pas de parents ?

Si ce n'était qu'une question de « ma chaire et mon sang », ça ne m'atteignait absolument pas comme argumentation !

Lorsque, par le plus grand des hasard, Raphaël a commencé à pousser, on s'est dit « bon .. on va continuer dans cette voie et ensuite nous adopterons. » Après Aliénor, là nous étions d'accord. Notre prochain enfant serait adopté !

Pas n'importe quel enfant ; pas un enfant « parfait » pas un enfant pour continuer une lignée. Juste un enfant à aimer, à qui apporter une vie, là ou il n'en aurait certainement pas eu la possibilité.

La DDASS a un fonctionnement qui lui est propre, et pas toujours adapté question adoption ; aussi nous sommes-nous retournés vers une association.

L'association EFA. (http://www.adoptionefa.org/) Et là, nous nous sommes inscrits comme demandeurs pour un enfant « à particularité ». C'est ainsi que s'appellent les enfants qui ne sont pas «bébé- tête-blonde-aux-yeux-bleus » ! Dans la liste des particularités, (très longue liste, avec toutes la pathologies que l'on peut imaginer) il n'y avait pas le SIDA de mentionné. Nous étions en plein dans les années SIDA; là ou encore, le rejet était à grande échelle, et la mortalité énorme.

Lorsque je posais la question sur ce point, mon interlocutrice me dit avec regret que personne ne souhaitait adopter d'enfants avec des pathologies mortelles.

Nous étions en 1992 ; et j'étais responsable de AIDES à Cholet. Je connaissais parfaitement la question ; et j'avais l'espoir que l'évolution de la médecine permettrait que l'on ne reste pas dans le domaine de mort rapide, sur un long terme avec ce fléau médical.

Juju, qui faisait parti des volontaires de l'association, avait aussi la même vision que moi sur la question. Aussi, il nous a paru normal et logique, d'orienter notre adoption dans ce sens. Nous étions une famille postulante, pour un enfant séropositif.  

Aliénor avait 7ans, Clo 9ans, Bérénice 11ans, Raphaël 13 ans.

Notre vie était déjà entourée de gens séropositifs, et pour nous, rien d'anormal à vivre proches d'eux. Aussi, il leur a paru tout aussi normal, qu'ils aient un petit frère ou une petite sœur porteuse du VIH.

Après, ce que chaque adoptant appelle à juste titre « le parcours du combattant », c'est à dire après plus de trois ans avec notre agrément en poche ; on nous a proposé une petite fille. Une petite fille du bout du monde … Tahiti est le bout du monde !

La seule condition : que nous allions la chercher.

Il nous était impossible d'y aller tous ensemble ; et tout était pris en charge par la DDASS de Papeete, parce que leur vision du SIDA à cette époque était encore sous le triste signe de la "pestifération". Personne pour faire le voyage avec une petite fille de 4 ans, séropositive !

Je suis donc partie seule chercher notre Nana du bout du monde.

 Lorsque nous accouchons, l'émotion que nous ressentons est tellement forte, qu'on se dit qu'il ne peut y avoir plus fort. Toutes les mamans le savent. Lorsqu'on nous met notre bébé dans les bras, notre cœur se rempli d'une émotion qui ne nous quittera plus ensuite. L'amour tel qu'on ne le connaissait pas avant qu'il n'arrive !

Lorsque je suis descendue de l'avion, je devais attendre a l'aéroport, qu'on vienne me chercher. Le référent de celle qui devait devenir ma fille, si tout se passait bien ; devait venir me « cueillir ».

Ce que je n'imaginais pas, c'est que ma fleur du bout du monde serait là.

Un homme d'une trentaine d'années se tenait à la porte de sortie du terminal, avec une pancarte portant mon nom, des collier de fleurs autour du bras. Très typique, et avec ce côté magique de l'accueil polynésien.

Je n'avais pas vu les deux petites mains qui tenaient le bas du bermuda du gars qui me souriait.

Il m'a passé mes colliers autour du cou (Dieu comme ils sentaient bon !) m'a posé les questions habituelles sur mon voyage (24h !) ; et il se retournait sans cesse derrière lui, comme pour voir le fond de son short.

A un moment, j'ai vu deux petites mains qui tenaient le côté du bermuda.

Depuis mon départ de Paris, et pendant tout le vol, je me disais qu'il fallait que j'aie un comportement adapté. Surtout, ne pas pleurer d'émotion la première fois que je la verrais.

Mon cœur était pourtant rempli d'émotion depuis mon départ la veille ! 24h d'émotion, ça use ! Je n'ai pas dormi de tout le voyage, donc avec le décalage horaire, j'étais réellement sur les rotules !

Et là, deux petites mains qui tenaient un bermuda m'oppressaient comme ce n'est pas pensable !

Là, mon cœur allait forcement sortir de ma poitrine !

Au bout de ces deux petites mains (tellement petites !!) une petite tête s'est tout de même penchée, poussée par la curiosité. Et j'ai découvert le visage d'une adorable petite fille qui devait devenir MA petite fille.

Je ne savais absolument pas à quoi elle pouvait ressembler, car en décembre 1995, il y a eu une sérieuse grève de la poste , aussi ai-je quitté le sol français sans avoir reçu aucune photo.

C'était pour moi, un total terrain inconnu.

untitled 

Comme je la trouvais belle, et comme mon cœur battait fort ; aussi fort que lorsque j'avais vu mes autres enfants dans les bras de la sage femme. Je revivais cette même sensation à l'identique. Et de la même façon que l'on voit pour la première fois son bébé après la naissance ; les larmes remplissent nos yeux de joie et de bonheur. Mes bonnes résolutions s'envolaient d'un coup en sentant couler doucement la chaleur humide qui ruisselait de mes yeux.

Elle, elle ne disait pas un mot, bien que Raymond lui demande de me dire bonjour. Il insistait, j'ai dit que ce n'était pas grave ; que rien ne pressait. Je ne voulais pas qu'on la brusque, qu'on l'oblige.

Nous nous sommes dirigés vers la voiture, et j'ai voulu monter à l'arrière avec elle.

Elle me dévisageait, et je n'avais toujours pas entendu le son de sa voie. Elle tenait à la main l'album photos que nous lui avions envoyé en octobre afin qu'elle se prépare aux visages de notre famille. De SA nouvelle famille. 

Elle feuilletait cet album et me regardait. Raymond me dit qu'elle dormait même avec.

Et d'un coup, elle ouvrit l'album et me montra avec son petit doigt, la première photo, sans dire un mot, en me regardant pour que moi je parle. Je lui donnais les noms des enfants, de ma maman, de la maison, montrant les fenêtres une à une. Puis elle arriva sur la photo de Patrick, et là de sa petite voie avec son accent tahitien, elle me dit «c'est mon papa  !» Là, ça y est, mon cœur allait s'arrêter dans la minute ! La photo suivantE me représentait ; elle mis son doigt dessus et me regardait. Je ne disais rien ; tellement ma gorge était nouée. Elle retira son doigt de la photo pour le poser sur mon genou. « C'est toi ! … (long moment de silence, ou je ne pouvais que lui sourire et acquiescer de la tête) t'es ma maman !"

Alors là ; la vie venait de me mettre dans les bras mon cinquième bébé ! Mes larmes coulaient, mon cœur explosait comme pour les quatre autres fois.

Elle a alors touché ma joue rempli de larmes muettes, et m'a fait un tel sourire que j'ai immédiatement su que débutait une histoire d'amour forte et intense.

Je suis restée 10 jours, pendant lesquels tout s'est accéléré. Je devais rester 3 semaines, mais tout se passait tellement bien entre Rose et moi, qu'au bout de 3 jours elle vivait totalement avec moi dans la chambre que j'avais. Je l'emmenais à l''école, participais à la fête de noël. Elle avait hâte de partir, moi hâte de rentrer.

Nous étions dans une fusion complète ; que du bonheur ! Je la couvrais de baisers, de tendresse, d'amour ; elle était aussi tellement demandeuse de tout ça. Nous étions faites l'une pour l'autre.

Le 20 décembre, nous atterrissions à Paris. Juju, Raphaël et Bérénice étaient là. Maman gardait Clotaire et Aliénor, à la maison.

Le 10 décembre 1995, j'ai débuté une grande histoire d'amour avec ma fille ; le 20 décembre, toute la famille a rejoint cette même histoire.

Même si je ne l'ai pas portée pendant neuf mois dans mon ventre, même si son papa n'a pas assisté à l'accouchement, dès que nous l'avons vu elle est entrée dans nos vies ; dès que nous l'avons prise dans nos bras elle est entrée dans nos cœurs et à jamais elle est dans nos âmes.

J'ai toujours dit que je souhaitais à chaque parent de vivre une aussi belle histoire de vie, que la nôtre, en adoptant.

Comme toute histoire, il y a eu des hauts et des bas à l'adolescence ; mais mon plus grand bonheur, ma plus grande fierté ; ce sont nos cinq enfants.

Les5001 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Merci Catherine<br /> bises
Répondre
C
Merci pour ce partage, j'ai ressenti tes émotions de ce tout premier jour avec elle. Je te souhaite de tout mon coeur qu'elle arrive à se prendre en main et qu'elle ne jette pas l'éponge comme ça. Tu as une force de caractère, je me reconnais beaucoup à travers tes articles. Gros bisous.
Répondre
Publicité