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Les BlaBlas de Dame Papote
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8 décembre 2018

Les femmes de ma vie : Krikri

amies

28 ans d'une relation parfaite ! Pas un couac, pas un désaccord. 

Non pas que nous soyons toujours d'accord, car nous avons chacune nos caractères et nos façons de faire et de voir la vie. Mais jamais, quoi qu'il se passe, nous n'avons été dans le jugement. Jamais aucune de nous ne s'est dit qu'elle avait raison sur une question, et que l'autre avait tord. Alors, avec un tel mental commun, forcement, ça donne une amitié tellement solide. Mais il arrive tout de même des fois, où la vie sépare, les gens aux relations fortes. 

1990 : je postule pour un emploi en maison de retraite. Après 4 ans sur un poste de jour, je souhaite reprendre un poste de nuit. Justement, ils recherchent 4 agents  en EHPAD. L'entretien se passe bien, et je suis recrutée, ainsi que trois autres personnes. Christine, Marie-Annick et Geneviève. 

Première réunion, nous sommes convoquées toutes les quatre pour définir les équipes, prendre nos tenues, nous donner nos papiers et nos  plannings et nous expliquer les directives de nos fonctions. 

J'arrive en avance, et Christine aussi. Nous commençons à discuter. Elle me plaît vraiment. J'ai 26 ans, elle, 22, et  je sens que ça devrait bien se passer. Je me dis que les fois où je serais avec elle, ça devrait aller. Arrivent ensuite Marie-Annick, qui d'emblée, paraît très chiante. C'est dingue comme des gens, au premier contact, montrent leurs défauts. En 15 mn de discussion ce n'est que "moi je" ... Je sais tout, j'ai tout fait, j'ai tout vu. Du haut de ses 40 ans, elle décide visiblement de prendre la tête de l'équipe de nuit. Arrive ensuite Geneviève, 19 ans. Réservée et effacée. 

La réunion commence, et la directrice nous explique notre travail. L'une des particularités propre à ces établissement pour personnes âgées, c'est le discourt "officiel" où on t'explique que le résident est la priorité. Son bien-être, ses besoins, ses angoisses nocturnes... et la réalité qui est tout autre. La nuit, on te fait crouler sous du boulot tout autre ; entretien  des locaux, repassage du linge, qui sur une nuit de 10h, te prennent 7h à deux personnes. Ce qui économise largement un poste de jour. Et seulement 3h du temps à consacrer aux personnes. Lorsque tu comptes déjà deux rondes de 1h30, tu vois un peu ce qu'il te reste : à savoir rien ! Pour plus de 80 résidents, dont plus de la moitié sont très agés et très demandeurs la nuit. 

Mais cette réunion nous décrit uniquement l'officiel, bien sûr. 

A la fin de l'heure, la directrice nous dis que nous serons deux équipes fixes, pas de changements réguliers, sauf en cas de besoin. Immédiatement, on se regarde avec Christine. Et dans ma tête, c'est : "Pourvu qu'on soit ensemble". Mais voilà que la directrice nous coupe l'herbe sous le pied, en disant que Marie-Annick serait avec moi, et Christine avec Geneviève.  Purée ... me voilà dépitée comme c'est pas pensable. Je ne la sens pas cette nana depuis le début. Et ses interventions en réunion n'ont fait que renforcer mon opinion. Mais bon. Dans le boulot, tu dois faire avec et certaines fois travailler avec de vrais cons. 

Tout le monde devais commencer le 1er Juillet. Mais moi, en contrat ailleurs, je ne pouvais commencer que le 4. 

Mi juin, je reçois le planning, et surprise : je suis notée  avec Christine. 

Voilà comment a débuté cette merveilleuse rencontre. Et heureusement, car au fil des années, Geneviève a été particulièrement malheureuse avec Marie-Annick ... qui, alors que nous ne faisions pas équipe ensemble, m'en a fait voir, comme ce n'est pas pensable. Mythomane réelle, elle a pourrit la vie à tout le monde par des mensonges qu'il a été très difficile à faire comprendre à notre directrice. Et ce qui nous a sauvé, a été le changement de direction, et qu'enfin la nouvelle directrice, se rende compte de cette perturbation mentale. 

Pendant 11 ans, Christine et moi avons passé 10h, la nuit, ensemble. Nous n'étions pas forcement en accord sur tout, à propos de la vie en général, mais on demandait toujours l'avis l'une de l'autre sur des sujets personnels.  En harmonie complête sur notre travail et la mise en place de confort auprès des personnes, nous avons dû carrément lutter, contre notre direction,  pour apporter un accompagnement digne de ce nom, auprès des résidents. Passer tout le temps nécessaire auprès de chacun, en fonction de leurs besoins. Répondre aux demandes "hors contexte réglementé" à savoir  rester avec les personnes mourantes sans famille, pour qu'elles ne soient pas seules. Faire des massages aux huiles essentielles, sur les parties douloureuses de leur corps.

Ce que les personnes âgée en établissement demandent, c'est que le personnel prenne le temps de s'occuper d'eux. Même la nuit. Et nous avons mis en place tout ce que nous avons pu, pour répondre à ce besoin. Nous nous sommes faits taper sur les doigts pour ça ; mais nous avons persévéré, et je suis très heureuse que justement, nous ayons la même vision des choses, Christine et moi. Cette complicité, ce respect mutuel, était sans faille. Malgré une directrice qui s'acharnait sur Christine lors des entretiens professionnels , pour que justement, il n'y ait plus ce rapport sain et honnête entre nous. 

Au bout de 11 années, en raison d'une nouvelle réglementation, deux agents de nuit devaient passer de jour, et deux aide-soignantes de jour devaient passer en nuit. Christine et Geneviève ont donc quitté la nuit. 

Quelle déchirure que notre séparation. La dernière nuit que nous avons passé ensemble, a été des plus pénible. Nous savions bien, que notre amitié, au fil du temps était devenue indestructible. Mais nous étions littéralement effondrées de nous séparer. Nous avons pleurés des rivières cette nuit là ! Et le matin, sur le parking de l'établissement, on se serait cru sur un quai de gare, lorsque des personnes se séparent pour un long moment. 

Nous avons poursuivit plusieurs années comme ça, Christine en jour et moi en nuit. 

Depuis la nuit des temps, les équipes en opposition de travail, sont souvent en conflit. Les autres ne font pas ce qu'il faut et soi-même, on fait toujours mieux. C'est ainsi. Il en va de même entre deux équipes fixes de nuit. et deux équipes fixes de jour. Pour valoriser son travail, il faut dévaloriser celui des autres. 

Donc nous étions forcement, dans ce même cas de figure. Mais Christine et Geneviève, en passant de jour, on pu mettre le Holà à certaines idées reçues sur bien des actions. Et les tensions entre équipes jour/nuit, se sont amoindries. 

Ma Krikri a quitté l'établissement pour raison de santé quelques années avant moi. Mais il était écrit dans le livre de nos vies, que nous ne nous quitterions jamais. Car lorsque j'ai été reclassée, c'est dans la même direction qu'elle. Elle m'a parlé d'un poste qui allait être créé pour un reclassement, et j'ai fais des pieds et des mains pour l'obtenir, tellement ce poste me semblait être pour moi. J'ai été prise, et même si nous ne sommes plus complètement ensemble professionnellement, nous ne sommes pas loin l'une de l'autre, et on se voit tous les jours. 

Notre amitié dépasse depuis longtemps le cadre professionnel. Nous participons chacune à tout ce qui se passe chez l'autre. Mariage, fêtes, mais aussi décès .... Tant d'anecdotes de nos vies où l'autre était là, comme le sont les sœurs qui partagent tout. 

Après 28 ans, nous le savons ...  Il n'y a que la mort qui pourra nous séparer ... et encore ..... 

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